Les femmes ont un rapport à l’argent différent des hommes. C’est en tout cas ce que révèlent les différents sondages et analyses sur le sujet*.
Cela n’a rien d’évident à priori. Gérer l’épargne d’un individu ne devrait pas être sensiblement différent qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. En effet, les critères retenus pour orienter les placements dépendent plus de l’appétence au risque de chacun, de son horizon de temps et de sa compréhension financière que de son genre.
Mais dans les faits, il s’avère que si les hommes investissent, les femmes privilégient l’épargne de précaution. Et ce comportement apparemment sécuritaire peut s’avérer être très pénalisant à moyen-long terme. Ce qui est d’autant plus frustrant que lorsqu’elles investissent, elles obtiennent d’excellents résultats.
Les femmes investissent moins mais mieux
Ainsi, selon une récente étude du courtier en ligne Trade Republic concernant 4 millions d’investisseurs, les femmes ont obtenu en 2023 un rendement supérieur de 2% à celui des hommes.
Sur un plus long terme (2009-2019 et 2007-2019), et selon l’étude annuelle de Skema Business School de 2020, le Gender Equality Index (10 entreprises dont l’encadrement est le plus féminisé) superforme à la fois le Male Index (dont l’encadrement est le moins mixte) et le CAC40. L’indice féminisé a aussi mieux résisté à la crise financière de 2008. D’autre part, le portefeuille du Gender Equality Index représente un profil d’investissement moins risqué (beta = 0.865) que le CAC40 (beta = 1) et que le Male Index (beta = 1.135).
La dernière étude de Skema apporte un éclairage qui vient confirmer les études précédentes : en 2022, qu’il s’agisse de la rentabilité opérationnelle ou des risques liés à la responsabilité sociétale ou environnementale, toutes les mesures indiquent des performances nettement supérieures quand l’encadrement est le plus féminisé (55 % de femmes en moyenne). Et les différences de performance sont très significatives, s’étalant de +30 % à +59 %.
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Une disparité dans la richesse
Et pourtant, les femmes sont moins riches que les hommes. Les inégalités de patrimoine se sont même accrues : en 2015, le patrimoine d’une femme vivant en couple est en moyenne inférieur de 16% à celui d’un homme (c’était 9 % en 1998) selon l’INED.
Les explications sont multiples : cela commence par les écarts de revenus tout au long de la vie professionnelle. En 2021, les revenus individuels des femmes actives étaient en moyenne inférieurs de 24% à ceux des hommes (source Insee). Puis par l’impact de la parentalité qui amène les femmes à parfois interrompre leur carrière. C’est aussi le fruit de traditions familiales qui impactent la transmission du patrimoine. En effet, il est plus courant que les biens tangibles (une entreprise ou une maison familiale) soient confiés aux hommes, les femmes recevant une somme d’argent. Enfin, il y a un manque de culture économique et financière plus prononcé chez les femmes que chez les hommes.
Les femmes mariées ont tendance à déléguer la gestion financière de l’épargne familiale, y compris leur propre épargne, à leur conjoint. Elles n’anticipent pas des changements de vie pourtant fréquents comme un divorce, un décès, un licenciement. Elles peuvent alors se retrouver en grande difficulté pour affronter leur nouvelle vie ou tout du moins ne pas pouvoir l’orienter comme elles le souhaiteraient.
Cela aurait certainement pu être évité en s’occupant de leur épargne dès leur plus jeune âge.
Pourquoi les femmes n’investissent pas ?
Selon le baromètre « les femmes et l’argent », un sondage Ifop réalisé en janvier 2024 pour ViveS Média, il n’y a que 26 % des femmes de plus de 18 ans qui détiennent un contrat d’assurance-vie en unités de compte et 22 % un plan d’épargne retraite (PER). Elles sont cependant 80 % à posséder au moins un compte ou livret d’épargne.
Mentionnons aussi le fait que seulement 10 % des associés de fonds de private equity sont des femmes.
Selon une autre étude, celle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) de mars 2023, les femmes sont « moins souvent optimistes que les hommes quant à l’évolution de leur propre situation économique et financière, et moins nombreuses à montrer de l’appétit pour les placements non garantis ». Cette étude révèle que près de la moitié d’entre elles refuse toute prise de risque en matière de placements et que plus des trois quarts estiment que les placements en actions sont trop risqués.
Si les femmes laissent leur épargne sur leurs comptes bancaires sans la faire fructifier, c’est en partie parce qu’elles manquent d’éducation financière et de conseils mais ce n’est pas la seule raison. Il semble qu’elles soient moins intéressées par les arguments purement financiers mis en avant lors de propositions d’investissement tels qu’une forte rentabilité, un avantage fiscal, ou la diversification des placements. Il faudrait donc adopter un autre langage, plus proche de leurs réelles préoccupations, pour les amener à prendre des décisions d’investissement.
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Quelles sont leurs attentes ?
Les femmes sont avides de projets concrets. Une proposition d’un produit financier ayant une rentabilité de 10 % ne sera pas de nature en elle-même à les faire investir. A contrario, si cet investissement a une finalité concrète comme celle d’investir dans un studio pour leurs enfants, d’avoir un impact sur l’environnement ou sur la réduction des inégalités, ou encore de préparer une évolution professionnelle ou encore d’assurer la transmission de cette épargne, alors, leur écoute sera plus attentive.
Les femmes sont en effet réceptives à la réalisation de projets concrets que peuvent permettre l’investissement de leur épargne. Elles ont besoin de sens. Elles préfèrent investir dans des entreprises en phase avec leurs valeurs comme celles qui ont un comité de direction féminisé ou opter pour un investissement solidaire, avec un impact social ou environnemental (démontré) tout en étant rentable.
Quels conseils donner aux femmes ?
Les femmes doivent prendre leur destin en main en mobilisant leur épargne. On le sait : non seulement elles vivent plus longtemps mais elles percevront aussi une moindre pension de retraite. Ainsi, l’espérance de vie d’une femme à la retraite à 65 ans est de 23,4 ans pour les femmes contre 19,6 ans pour les hommes (Insee 2020).
Et les pensions de retraite des femmes étaient inférieures en moyenne de 32 % à celles des hommes en 2020 (tous régimes confondus, hors pension de réversion), selon l’édition 2021 de « La Retraite et les retraités », publié par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Pour réaliser leurs projets ou pour préparer l’avenir, les femmes doivent donc investir. D’autant plus que, sans placements, l’inflation annuelle viendra naturellement éroder leur épargne au fil des ans.
Le moyen le plus simple, notamment pour celles qui disposent de peu de temps, est de s’adresser à un conseiller(ère) en gestion de patrimoine à condition de s’assurer de la parfaite compréhension des solutions proposées. Cela permettra de déboucher sur des propositions concrètes d’investissement qui devront être au plus près des préoccupations exprimées.
Les femmes doivent aussi développer leur éducation financière pour améliorer leurs connaissances et leur permettre de faire des choix pertinents d’investissements. C’est aussi la condition pour qu’elles prennent confiance en elles et s’estiment capables de comprendre les recommandations qui leur sont faites. Elles pourront alors prendre les bonnes décisions financières et finalement arriver à un bien-être financier individuel. Car selon le sondage Ifop-ViveS Média, 80% d’entre elles estiment manquer de connaissances en matière de produits financiers.
Pour se prémunir contre les aléas de la vie, l’épargne de précaution placée sur des produits sécurisés ne suffira pas. Il est donc primordial de faire fructifier son patrimoine. Et contrairement à une idée reçue, il n’est pas nécessaire d’avoir un gros patrimoine pour commencer à investir. Mais ce qui est primordial, c’est de modifier son comportement d’épargnant et ne pas hésiter à prendre des initiatives.
*Sondage IFOP Pour ViveS Média « Les femmes et l’argent «, janvier 2024 ; AMF (Les femmes et l’investissement, 2023) ; Sibylle Gollac, Céline Bessière « Genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités » La Découverte, 2020 ; Insee Niveau de vie et pauvreté des femmes et des hommes, édition 2024 ; Skema Business School, observatoire Skema de la féminisation des entreprises.